Titre : Une fin 2018 incroyable: éruption fissurale sur le volcan Etna!
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Une fin 2018 incroyable: éruption fissurale sur le volcan Etna!
Bon! Il va falloir faire avec le fait que, cette année, le repas de famille ne sera pas tranquille cette fin d'année, l'actualité éruptive étant plus chargée et plus surprenante que prévu, et malheureusement pas toujours pour de bonnes raisons (voir Krakatau, évidemment).
Bon, tout d'abord une précision à propos du vocabulaire ou des expressions de ce que allez lire dans les médias. Par exemple, sur France Info (et j'aime beaucoup France Info, je précise, dont je suis un auditeur attentif et quotidien) on peut relever dès les premières phrases une erreur importante concernant la description de la situation: "Le célèbre volcan Etna est soudainement entré en éruption, lundi 24 décembre".Non l'éruption n'est pas soudaine puisqu'il s'agit du paroxysme (le moment le plus intense) d'une éruption qui a débuté il y a un mois (le 21 octobre si je ne m'abuse, peut-être même avant)
Éventuellement c'est le passage entre "activité éruptive de faible ampleur/tranquille" et "phase paroxysmale" qui a été rapide, mais pas le départ de l'éruption. Volcanologiquement ça change tout car on peut alors supposer qu'au cours des 2 mois précédent, il s'est passé un certain nombre de phénomènes, qui ont conduit au paroxysme.
Journalistiquement parlant, dire "soudainement" en parlant de l'éruption c'est donner l'illusion que tout a été brusque, imprévisible (écriture inutilement anxiogène), alors qu'en fait la situation a évolué lentement, progressivement, (ce qui est moins inutilement anxiogène) et qu'elle a évolué en peu de temps en paroxysme, ce qui est loin et même très très loin d'être la première fois sur l'Etna, on ne compte plus les situations récentes similaires!
Rapide mise en contexte
Pour mémoire l'année 2018 a été marquée par une reprise progressive de l'activité volcanique sur le géant Sicilien avec des phases de débourrage fin mai, suivi courant août d'une longue phase éruptive discrète, aboutissant tout de même fin août à la mise en place de coulées de lave. Suite à cela la situation était revenue à un calme relatif courant septembre mais une activité éruptive explosive (dynamisme strombolien en l’occurrence), faible, était revenue à partir du 21 octobre 2018 sur l'évent "U Puttusiddu" sur le haut versant est du Nouveau Cône Sud-Est.
L'activité éruptive se produisait aussi dans d'autres cratères ouverts au sommet mais c'est sur "U Puttusiddu" qu'elle a évolué de la manière la plus flagrante avec la mise en place et le maintient jusqu'au paroxysme d'une effusion (coulée de lave) à partir du 20 novembre. Effusion régulièrement documentée en images par le volcanologue Boris Behncke, dont le contrat en CDD à l'INGV a été transformé il y a quelques jours seulement en CDI.
Coulée de lave (effusion) au niveau d'"U Puttusiddu", au soir du 21 décembre. Image: Boris Behncke |
Le paroxysme
Je ne vous cache pas que les détails vont être compliqués à donner car il manque, depuis maintenant longtemps, des webcams importantes car situées à des endroits stratégiques et qui, surtout, permettaient d'avoir plusieurs points de vue à un moment donné.
Mais bon, voilà ce que je peux en dire.
Tout d'abord il s'agit d'un événement éruptive important pour deux raisons:
- l'intensité de l'éruption a été importante
- le paroxysme ne s'est pas déroulé qu'au sommet, ce qui n'était pas arrivé depuis un bon moment, mais aussi le long d'une fracturation important sur le haut versant sud-est, les fractures s'ouvrant jusque dans al paroi de la Valle del Bove.
Pour les volcanologues l'activité éruptive sur l'Etna peut se découper en trois familles:
- les éruptions sommitales: le ou les points de sortie du magma sont au niveau de l'un ou plusieurs des cratères sommitaux.
- les éruptions latérales: le magma sort au niveau des cratères sommitaux et/ou une zone située à proximité
- les éruptions excentriques: le point de sortie du magma est détaché clairement de la zone sommitale.
Les trois grands groupes d'éruptions sur l'Etna. Image: Neri et al, 2003 |
Éruptions sommitales et latérales sont en fait alimentée par le même conduit. Les éruptions excentriques sont alimentées par un conduit nouveau, détaché du conduit principal, et qui peut être branché sur un réservoir superficiel différent. Ainsi lors de l'éruption de 2002-2003, il y a en fait eu deux éruptions distinctes en partie simultanées: une première phase sommitale-latérale sur le versant nord-est qui a libéré le magma qui était dans le conduit principal. Puis une seconde phase, débutée alors que la première n'était pas terminée, excentrique sur le versant sud-est, et dont le magma était différent (réservoir différent) de celui au nord-est.
Tout ça pour dire que le paroxysme d'aujourd'hui peut-être décrit comme latéral, car non seulement il a eu lieu au niveau des évents sommitaux mais aussi le long d'une fracture connectée au même conduit que ces évents: c'est le conduit principal qui l'a alimenté.
Pour la suite je ne peux vous décrire que ce que j'ai pu constater grâce aux webcams fonctionnelles, je n'ai pas d'informations précises sur la sismicité et la déformation qui a précédé le paroxysme.
La journée avait débuté sans rien de particulier (NDLR par rapport aux jours précédents): l'activité éruptive mixte (explosion-effusion) était toujours présente sur "U Puttusiddu". Quand on regarde les images de la webcam située à Giarre par exemple il semble qu'entre le moment où le jour se lève et environ 08h30 (TU) le dégazage au sommet augmente de manière sensible, notamment au niveau du Cône Nord-Est (activité éruptive dans ce cratère à ce moment là?). Puis, à partir de 09h57 (TU) de faibles émissions de cendres font leur apparition, peut-être depuis la Bocca Nuova.
C'est à partir de 10h50 (TU) toutefois que les choses se précisent avec des émissions de cendres un peu plus fournies depuis la zone du Cône Sud-Est - Bocca Nuova. Pendant que l'activité monte visiblement en puissance sur ce secteur (et majoritaire dans la Bocca Nuova à ce qu'il semble), l'activité explosive augmente aussi clairement dans le Cône Nord-Est où l'on peut voir de très hautes températures, compatibles avec des projections, après 11h00 TU
Peu avant le départ du paroxysme l'activité s'intensifie dans plusieurs cratère sommitaux, dont le Nord-Est. Image: INGV |
A partir de 11h15 TU la phase paroxysmale à proprement parlé débute avec une hausse très rapide de l'intensité de l'activité éruptive et une augmentation drastique des émissions de cendres, qui commencent à former un panache de cendres très imposant. Il est emporté vers le sud-est par le vent et va se disperser au-dessus de la Mer Ionienne.
Le panache de cendres (mais pas que), peu après le départ de la phase paroxysmale. Image: MODIS/NASA |
Les événements se bousculent alors. A peu près au même moment que l'image thermique de l'INGV plus haut, prise depuis le versant ouest, une autre webcam thermique située sur le versant sud capte le démarrage d'une intense activité explosive sur le haut versant sud-est à la limite du rempart de la Valle del Bove: c'est le départ de la phase latérale de l'éruption et de l'ouverture de fractures hors de la zone sommitale.
Départ de l'activité éruptive sur la fracturation latérale. Image: INGV |
Cette zone de fracturation importante va se développer sur plus de 1000 m de long avec une activité éruptive qui semble débuter de la partie amont puis se développer vers la partie aval. Elle s'est mise en place non loin des cônes de 2002, comme le montre cette magnifique image aérienne prise par Jospeh Nasi et relayée par Etnalive.
La fracture éruptive vue du ciel, au-dessus des cônes de 2002 au premier plan. Image: Joseph Nasi |
J'ai tenté une localisation approximative (la longueur aussi l'est) sur une image Google Map, histoire de savoir de quel endroit on parle.
Sur la vidéo ci-dessous, capture d'un flux produit par une webcam, on peut voir l'ouverture de la partie aval de la fracture, dans la paroi de la Valle del Bove. Regardez attentivement juste sous le panache de cendres à 2'48": vous voyez cette petite volute de gaz blanc-bleu qui apparaît puis ne cesse de s'intensifier? C'est un évent qui s'active sur la fracture en train de s'ouvrir. Plus spectaculaire encore: regardez bien à 4'19" de la vidéo: pof! Un petit panache de cendres se met brusquement à sortir du sol: un nouvel évent sur la fracturation!
De cette fracture une partie du magma est pulvérisé en cendres (qui alimentent le panache) par les gaz sous pression qui s'échappent. Mais un volume important de ce magma sort aussi sous la forme de coulée de lave qui descendent la paroi de la Valle del Bove jusqu'au fond. Cette effusion semble débuter assez tôt dans l'activité de la fissure.
La coulée de lave produite au niveau de la fracturation latérale. Image: INGV |
Il semble aussi que la zone sommitale ait pas mal travaillé lors de cette phase intense. C'est à confirmer mais certains images thermiques suggèrent qu'un évent actif s'est ouvert au pied de la Bocca Nuova-Voragine côté est. On le voit fonctionner entre 11h45 TU et 12h15 TU à peu près mais les grandes quantités de gaz et cendres produits a niveau de la Bocca Nuova et du Cône Nord-Est ont vraisemblablement masqué une partie de son activité. La présence de cet évent pourrait signifier qu'une autre zone de fracturation, moins étendue, s'est ouverte sur ce secteur mais je n'ai pas d'argument solide pour aller plus loin: c'est juste une possibilité à ce stade.
L'évent actif au pied de la Bocca Nuova-Voragine, peut-être le fruit d'une fracturation. Image: INGV |
Le paroxysme n'a pas duré très longtemps puisque l'activité a commencé à décroître rapidement à partir de 12h30 TU à peu près. Vingts minutes plus tard le sommet était calme et dominé par du dégazage abondant, parfois entrecoupé de petites émissions de cendres. Par contre l'effusion, dont la source est un évent de la fracture sud-est situé dansa la paroi de la Valle del Bove, a continué de produire un champ de lave qui s'accumule au fond de la vallée, jusqu'à la nuit, et continue encore au moment où ce post est publié (plus de 20h00 TU).
L'effusion dans la paroi de la Valle del Bove est bien visible depuis Giarre. Image: Protection Civile de Giarre |
Il y a un lien avec le glissement du versant est de l'Etna, qui fut abordé dans un post précédent il n'y a pas si longtemps, et le fait que les éruptions ne se déroulent pas toujours au sommet, mais parfois le long de fractures situées plus ou moins loin du sommet. Le lent mouvement latéral tire sur l'Etna qui se retrouve fragilisé. Même si les fractures ne se voient pas, les zones fragilisées par l'étirement peuvent se rompre plus facilement (préférentiellement dans le jargon) sous la pression permanente de la colonne de magma, qui provient du réservoir principal. Le magma sous pression peut ainsi s'ouvrir, parfois, des voies latérale dans les zones les plus affaiblies, comme aujourd'hui.
Je vais clore ce post par une question ouverte: le paroxysme d'aujourd'hui a-t-il un lien (direct ou non) avec les crises sismiques qui ont été enregistrées plus tôt dans l'année, en août (cf commentaire d'Andre Lespes, lecteur du blog et je l'en remercie), dans le post du 23 août, et le 20 novembre sous le versant ouest (épicentres entre 15 et 27 km). Je n'ai aucune idée préconçue à ce sujet: esprit totalement ouvert sur la réalité d'un lien ou d'un non lien! Mais la question me semble intéressante.
Sources: INGV; MODIS/NASA; Etnalive; Protection Civile de Giarre; Neri et al, 2011: "Structural analysis of the eruptive fissures at Mount Etna (Italy)"
Je vais clore ce post par une question ouverte: le paroxysme d'aujourd'hui a-t-il un lien (direct ou non) avec les crises sismiques qui ont été enregistrées plus tôt dans l'année, en août (cf commentaire d'Andre Lespes, lecteur du blog et je l'en remercie), dans le post du 23 août, et le 20 novembre sous le versant ouest (épicentres entre 15 et 27 km). Je n'ai aucune idée préconçue à ce sujet: esprit totalement ouvert sur la réalité d'un lien ou d'un non lien! Mais la question me semble intéressante.
Sources: INGV; MODIS/NASA; Etnalive; Protection Civile de Giarre; Neri et al, 2011: "Structural analysis of the eruptive fissures at Mount Etna (Italy)"
ainsi, les articles Une fin 2018 incroyable: éruption fissurale sur le volcan Etna!
soit tous les articles Une fin 2018 incroyable: éruption fissurale sur le volcan Etna! Cette fois, nous l'espérons peut offrir des avantages à vous tous. Bon, vous voyez dans un autre article affichage.
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