Titre : Un point sur la situation des volcans Etna, Ambrym, Krakatau, Sheveluch, Stromboli et Mayon
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Un point sur la situation des volcans Etna, Ambrym, Krakatau, Sheveluch, Stromboli et Mayon
Plutôt que de faire des mises à jour dispersées dans les différents posts antérieurs qui concernait la plupart des situations dont je vais perler ici, il me parait plus simple de faire un post unique pour en parler, ce qui permettra d'y voir plus clair .
Etna, Italie, 3330 m
Suite au paroxysme impressionnant mais bref du 24 décembre dernier, l'édifice a été le siège de mouvements importants à l'origine de secousses sismiques parfois assez fortes. Les volcanologues de l'INGV ont ainsi enregistré des séismes de magnitude supérieure à 4.5 en seconde moitié de nuit le matin du 26 décembre. Secousses assez proches de la surface (moins d'un kilomètres en-dessous du niveau de la mer) et dont les épicentres ont été localisés dans la zone de Lavinaio - Zafferana - Santa Venerina, environ 10 km au nord de Catane. Certaines de ces secousses ont eu un impact important, fracturant des infrastructures diverses (routes, bâtiments). Une dizaine de personnes ont été blessées pendant cet épisode.mais il semble qu'il n'y a pas eu de décès, heureusement.
Dégâts importants suite à la secousse du 26 décembre au matin, dans la zone de Zafferana Etnea. Image: auteur inconnu/Gazzetta del Sud |
Les volcanologues de l'INGV ont clairement indiqué dans leur analyse que cette sismicité intense était le fruit d'un système volcanotectonique connu sous le nom de Timpe, un ensemble de failles qui fait partie d'un réseau encore plus vaste qui découpe l'Etna en différentes poritions, l'ensemble étant produit par le lent glissement dont l'origine et l'évolution a été discuté dans un post précédent. Attention: je ne suis pas en train de dire que ces secousses sont les prémices d'un effondrement imminent de l'Etna: pas du tout! C'est juste que le glissement progressif et lent, invisible et détectable uniquement grâce à des réseaux d'instruments ultraprécis, est la cause principale des failles, de leur localisation et organisation.
Ici, les volcanologues expliquent que la mise en tension du massif volcanique de l'Etna par la remontée du magma qui a finir par sortir de manière paroxysmale, a provoqué la fracturation des roches qui étaient déjà misent en tension (étirement) par le glissement.
Pour faire plus simple: l'excès de tension apporté par le magma a provoqué la fracture des roches là où elles étaient déjà les plus fragiles, ici la zone de fractures connue sous le nom de complexe tectonique de Timpe. Et il est intéressant à ce titre de constater que la fracture ouverte pendant l'éruption est dans le prolongement de la zone touchée par la secousses: il y a eu un transfert de mouvement entre la zone sommitale sous tension à cause du magma, et le réseau de fracture plus en aval du volcan, qui a régit lui-aussi mécaniquement. La fracture éruptive peut-être maintenant cartographiée avec un peu (beaucoup en fait) plus de précision par rapport à ce que j'avais proposé dans le post précédent: on la voit clairement sur les images satellites, et elle se marque notamment pas une série d'évents alignés, dont les plus en amont éventrent la base du Nouveau Cône Sud-Est. Tout d'abord une comparaison d'images satellites composées à partir d'infrarouges, histoire de voir la différence avant-après le paroxysme.
La fracture éruptive portée en pointillés blanc sur l'image ci-dessus à droite, a aussi été reportée sur l’image satellite ci-dessous. J'ai, par contre, calqué cette image sur Google Earth afin de vous montrer le lien mécanique qui existe entre la fracture éruptive ouverte pendant le paroxysme, et la zone impactée par les secousses après le paroxysme. On voit très bien ainsi que cette zone impactée est dans le prolongement de la fracture, et le lien mécanique est plus visible comme ça je trouve.
Si cette activité sismique excentrée par rapport au sommet a provoqué la crainte de voir une partie du magma sortir loin du sommet, dans les zones habitée (éruption dite excentrique, et pas seulement latérale, cf post précédent) il semble que la situation se stabilise et que ce risque se soit éloigné.
Concernant l'activité éruptive post-paroxysme: elle se poursuit. L'effusion a cessé au cours de la journée du 26 décembre mais une activité toujours soutenue se poursuit dans la Bocca Nuova, essentiellement visible via les webcams thermiques.
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La situation est à surveiller toutefois et les volcanologues de l'INGV gardent l'oeil ouvert quand à la suite des événements.
Sources: INGV; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; Gazzetta del Sud
Krakatau, Indonésie, 813 m
L'activité éruptive qui a débuté en juin se poursuit actuellement mais depuis l'effondrement du 22 décembre au soir elle reste surtseyenne. Assez peu d'images directes sont faites car il semble difficile d'aller à proximité de la zone active. Et il est même plutôt vraisemblable qu'il s'agisse d'une zone particulièrement dangereuse à l'heure actuelle, notamment en raison de la quantité impressionnante d'éclairs produits dans le panache et entre le panache et le sol (voir la vidéo ci-dessous, à la 27ème seconde).
Le panache et les éclairs sont, du reste, bien visibles (selon conditions météo) depuis la webcam installée sur la côte ouest de Java.
Les images satellites, en particulier celles produites à partir de données radar de SENTINEL 1, circulent sur les réseaux sociaux depuis la catastrophe. On y voit clairement la différence de morphologie de l'île d'Anak Krakatau suite à l'effondrement. En raison de la présence du panache, qui contient des particules et produit une agitation importante de la surface de l'eau, la morphologie précise de la cicatrice n'est pas encore vraiment connue et, sur la comparaison d'images ci-dessous, elle n'est qu'approximative (je ne suis particulièrement pas sur de la partie sud). On peut toutefois tabler sur le fait qu'il manque environ un kilomètre carré de surface. Mais à quel volume cela correspond-il: mystère! Le cône seul devait déjà avoisiner les 250 millions de m3, auquel il faut ajouter les champs de coulées et une portion pour le moment inconnue de la partie sous-marine de l'édifice.
Une chose semble acquise toutefois: c'est la quasi totalité du cône progressivement édifié depuis 1960 qui a disparu.
Juste un rappel de chronologie, histoire de recaser l'événement majeur de cette fin décembre dans une histoire et une cohérence:
-1883: éruption cataclysmale qui détruit une bonne partie du volcan Krakatau et ne laisse que trois îles et une caldera sous-marine.
- décembre 1927: on ne sait pas quand concrètement à redémarré l'activité éruptive mais en tout cas c'est à cette date qu'on la voit pour la première fois depuis 1883 se manifester à la surface de l'eau, sous la forme de jets de boue (activité surtseyenne).
- 12 août 1930: l'accumulation progressive de cendres laissées par les éruptions produit une île qui devient, à cette date, permanente. Toutes les autres îles apparues entre 1927 et le 12 août 1930 ont été temporaires.
- jusqu'en 1959 les éruptions forment une île assez aplatie. L'accumulation de cendres est la plus importante à l'est et édifie une morceau de cratère. Mais il est ouvert à l'ouest sur les eaux du Détroit de la Sonde (cratère en forme de croissant si vous voulez). Le ou les évent(s) actif(s) se trouve(nt) dans l'échancrure bien entendu qui, entre deux éruptions, est occupée par un lac.
- lors de l'éruption de 1959-1963 l'activité éruptive construit un cône dans l'échancrure. La photo ci-dessous, prise en 1979, permet de se faire une idée.
A quoi ressemblait Anak Krakatau en 1979: à gauche la partie construite avant l'éruption de 1959-1963; à droite, le cône construit à partir de l'éruption de 1959-1963. Image:VSI, via GVP |
Et bien voilà: c'est le cône à droite sur cette photo qui a continué de croitre, éruption après éruption, jusqu'au soir du 22 décembre 2018! A quoi ressemblait-il à ce moment-là? Peu ou prou à ce qu'à photographié Oystein Andersen en mars 2017 (image choisie car à peu près comparable à celle de 1979).
L'Anak Krakatau en mars 2017: le cône à droite a bien grandit depuis la photo de 1979, et il a recouvert en partie la lèvre est d'avant 1959. Au premier plan des champ de coulée des années 90 en cours de végétalisation, et qui avaient recouvert la pointe visible en bas à gauche de l'image de 1979. Image: Oystein Andersen |
Parce que le niveau de stabilité de la portion de l'île qui ne s'est pas effondrée (mais qui peut être fracturée) n'est pas connu; parce que l'activité surtseyenne reste soutenue et génère des vagues à proximité de l'île, et des éclairs en abondance, mais aussi parce que les explosions surtseynnes peuvent parfois générer impressionnants "Bases Surges", le niveau d'alerte a été élevé à 3 aujourd'hui par le PVMBG. Sur le time-lapse ci-dessous on voit le développement de certains "Base Surges" qui, si mes estimations ne sont pas trop fausses, se sont développées sur environ 2000 m au large , en direction du sud à priori. On comprend mieux l'interdiction d'approcher de la zone en voyant les images!
Côté dégâts liés au tsunami, le bilan s'est considérablement alourdit et semble avoir dépassé les 400 victimes.
Sources: Oystein Andersen; SENTINEL 1 - ESA/Coeprnicus; Global Volcanism Program; PVMBG
Ambrym, Vanuatu, 1334 m
Pas de suspens concernant l'activité éruptive: toujours rien de ce côté là. Le magma a quitté le sommet et n'est toujours pas revenu semble-t-il. Toujours pas de signaux thermique, tout reste froid et nul ne sait combien de temps cela va durer.
Mais pourquoi un post alors?
Parce que les données radar permettent de donner une idée des modifications qu'a subit la zone sommitale lors de la vidange du 15 décembre (qui a probablement durée jusqu'au 16 voire 17).
Vidange qui avait été suivie d'importantes émissions de cendres liées à des effondrements au Benbow et au Marum.
Je vous laisse voire par vous-même. Sur l'image de gauche j'ai mis deux points rouge pour placer là où les deux principaux lacs de lave (qui sont sur toutes les photos) se trouvaient.
Les changements majeurs sont clairement au Marum où les 5 cratères secondaires se sont élargit. Celui qui a le plus réagit est celui situé dans le cratère principale du Marum: il mesurait environ 200 m de diamètre avant la vidange, il en mesure plus de 750 après! Il correspond en fait à la fusion entre deux cratères distincts, que j'ai notés 1 et 2 sur l'image Google Earth ci-dessous, à laquelle j'ai ajouté en pointillés le contour approximatif du nouveau cratère.
Les différents cratères secondaires imbriqués dans le cratère principal du Marum (le 3 contenait le lac de lave). Image: Google Earth |
Le cratère 5 a aussi été fortement retouché puisque son diamètre est passé d'environ 170 m à plus de 300 m! Les 3 et 4 ont moins réagit à la vidange semble-t-il, ce qui ne veut pas dire qu'ils ne sont pas fragilisés.
Au Benbow, les deux cratères qui étaient ouverts au fond du cratère principal ont eux-aussi fusionné pour n'en faire qu'un seul à ce qu'il semble. Celui qui contenait le lac de lave mesurait environ 500 m avant, il semble atteindre au moins 700 m maintenant.
L'ensemble de ces dimensions seraient évidemment à confirmer par des mesures plus directes. Mais la zone est, je pense, d'approche dangereuse pour le moment.
Source: SENTINEL 1 - ESA/Copernicus
Sheveluch, Russie, 3283m
Depuis l'explosion du mois de novembre dernier je n'ai certes rien écrit de plus concernant Sheveluch sur le blog. Mais j'ai fait passer sur twitter quelques images d'émissions de cendres et cela suggère que le système volcanique est actuellement le siège d'une vraie reprise d'activité, qui pourrait s'expliquer par une réalimentation en magma. Idée qui s'accentue à chaque fois qu'une nouvelle activité explosive se déroule, comme celle du matin du 27 décembre, à l'origine d'un panache de cendres qui est arrivé à environ 7000 m d'altitude tout de même.
Panache de cendres dans les premières lueurs du jour le 27 décembre. Image: IVS-KVERT |
Mais avant celle-ci, il y a eu celle du 24 décembre, qui a commencé par un petit écoulement pyroclastique, très court (2-300 m), avant que le panache ne se développe.
Un petit écoulement pyroclastique le 24 décembre. Image: IVS-FEB-RAS |
Autre argument en faveur d'une montée en puissance qui pourrait aboutir à une fin 2018-début 2019 mouvement au nord du Kamchatka, c'est la plus grande importante des signaux thermiques produits au niveau du complexe de dômes de lave accumulés au niveau de la zone active du massif. Ces signaux sont clairement plus intenses et plus fréquents depuis le mois de novembre.
L'activité thermique sur le Sheveluch est clairement en hausse depuis novembre, simultanément à la hausse des émissions de cendres. Image: MIROVA |
Si la corrélation avec la hausse des émissions de cendres est évidente, il est par contre trop tôt pour tenter une interprétation quand à la source de ces signaux thermiques: il peut s'agir d'évents de dégazage à très haute température, ou peut-être de l'arrivée en surface d'un peu de magma visqueux (une petite extrusion) qui, habituellement, est émis au Sheveluch. Pour être clair: rien pour l'heure n'indique vraiment qu'une extrusion (formation d'un dôme) ait débuté. Le problème là est que le point de sortie des émissions est masqué derrière les dômes plus anciens.
Le niveau d'alerte aviation est maintenu à l'orange parle KVERT.
Sources: KVERT; IVS-FEB-RAS; MIROVA
Mayon, Philippines, 2462 m
A signaler au passage la survenue le 27 décembre de deux émissions de cendres plutôt faibles, décrites comme étant d'origine phréatique par le PHIVOLCS. Elles ont eu lieu au sommet et il s'agit de la première manifestation depuis la fin de l'éruption de janvier-mars 2018.
Source: PHIVOLCS
Stromboli, Italie, 924 m
La boucle est bouclée pour ce tour du monde des situations volcaniques puisqu'on revient en Italie. Plusieurs lecteurs/trices m'ont interpellé concernant Stromboli. Il est vrai qu'actuellement l'activité éruptive est assez soutenue et le spectacle vaut le coup: explosions stromboliennes nombreuses et fréquentes, parfois vraiment magnifiques.
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Le LGS, qui enregistrent de nombreux paramètres de l'activité (sismicité, déformation, infrasons etc) pour tenter d'en caractériser l'intensité sur une échelle appelée "Volcanic Activity Index" (VAI), à élevé le VAI a "High" le 26 décembre. On peut noter sur le graphique ci-dessous que la hausse a progressivement débuté un peu avant, le 15 décembre.
Evolution du VAI depuis début octobre. On voit bien la hausse de l'activité courant décembre. Image: LGS |
Sources; INGV; LGS
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