Une mine sinistre, un ton lugubre, un diagnostic mortuaire :
l’intervention d’Alain Juppé avait tout d’une oraison funèbre. Le maire de Bordeaux, de toute évidence affecté personnellement par les derniers développements de la crise à droite, a livré une confession teintée avant tout d’amertume. Mais aussi d’un profond accent de vérité. Passons sur ses attaques convenues contre les candidats de gauche ou du centre. C’est le constat dressé sur l’état de la droite qui éclaire cruellement la réalité. Juppé jette l’éponge,
«une fois pour toutes». Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il se résout mal à voir Fillon continuer.
«Quel gâchis !», dit-il. Le candidat issu de la primaire avait devant lui
«un boulevard». En adoptant comme système de défense face aux juges la thèse
«du complot», en brandissant le spectre de
«l’assassinat politique», Fillon s’est mis
«dans une impasse». Même la gauche est moins sévère avec ce Droopy changé en missile fou. On se demande même si Juppé va aller voter à l’élection présidentielle…
Le noyau dur des militants LR s’est donc
«radicalisé», a ajouté Juppé, un mot qu’on emploie ces temps-ci pour les jihadistes… Il est vrai que cette fraction de la droite a définitivement fait passer les faits derrière les convictions. La post-vérité a soudain gagné des myriades d’adeptes dans les rangs de la droite républicaine.
«Nous étions 200 000 au Trocadéro».
En fait nettement moins de 100 000 selon tous les observateurs. Comme Trump, les fillonistes voient des manifestants là où il n’y en a pas.
«Des télévisions ont annoncé le suicide de ma femme Penelope», a assuré Fillon.
Cela ne s’est jamais produit. Tout au plus un journaliste, une fois, a évoqué brièvement
«des rumeurs» sur des difficultés personnelles du candidat.
Il est vrai que c’est ainsi depuis le début de l’affaire Fillon. Penelope Fillon a accompli
«des tâches très variées». Mais elle disait elle-même le contraire auparavant :
«Je n’ai jamais été son assistante ou quoi que ce soit d’autre». La mise en examen ne change rien, assène le candidat. Quelques semaines avant, il énonçait d’un ton sans réplique :
«Si j’étais mis en examen, je ne serais pas candidat.» Juppé, honnête dans sa tristesse, évente le mensonge. En temps de guerre, comme on sait, la vérité est la première victime. En temps de campagne aussi, désormais.
Et aussi
- Fillon est face à elle au deuxième tour ; la gauche s’abstient massivement et l’électorat du Front, le seul solide, dépasse, comme au premier tour, celui de la droite. Pas impossible.
- Hamon est au deuxième tour ; la droite s’abstient massivement ou rejoint le FN. Hamon est battu. Pas impossible.
- Macron passe le premier tour. Candidat des classes moyennes et des «gens d’en haut», il subit la défection massive de l’électorat populaire, faisant mentir les sondages qui le donnent aujourd’hui vainqueur. Pas impossible.
Le risque, donc, existe.
• Benoît Hamon intègre plusieurs personnalités écologistes à son organigramme de campagne. Logique après le désistement de Jadot. Mais il prend aussi le risque de voir les électeurs socialistes dire, comme le renard de la fable : «Il est trop vert.»
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